Agression
Fëanor entre dans la salle commune des Prêtres de Galadriel au petit matin.
Tout le monde s’arrête de parler
car il est facile de constater que son visage est marqué d’un hématome
gonflé à la pommette gauche et est couvert d’écorchures, ses traits sont
livides...
Fëanor, se tourne alors vers tous, attendant le silence pour prendre la
parole. Son regard est intense et une flamme brûlante danse au fond de ses
yeux...
“ Mes amis, je viens il y a à peine une heure de revenir dans la Cité et
je tiens à ce que tous sachent ce qu’il m’est arrivé... Je me suis absenté
cette nuit pour une course dans les bois... et à mon retour sous la
tempête, voici ce qu’il m’est arrivé... ”
Fëanor marque une pause et commence une longue histoire :
“ Je revenais dans la nuit alors que la tempête battait son plein...
Le vent glacé, en rafales dantesques, déployait une rage qui me laissa
transi d'inquiétude. À ma droite, le rempart de végétation tanguait
dangereusement; la forêt était un temple mouvant, le domaine sacré d'un
dieu vengeur qui hurlait sa haine en une symphonie de grotesques
craquements. Les arbres, ses séides pervers, évoquaient une danse obscène
qui paraissait vouloir les fendre à tout moment. Les ténèbres étaient
pleines et crispées. La colère des éléments était démentielle.
Je ne savais pas si j’allais pouvoir revenir sans encombres en ville.
Je peinais à maintenir mes yeux ouverts et je suffoquais tellement la
tempête est cinglante. Ce qui me frappait, c’était l'impression démesurée
que me suscitait la nature qui m'entourait. Tout portait à croire que ma
balade en solitaire en ces lieux égarés m'avait délié l'imagination...!
Puis, soudain, un rire fusa tout près de moi, dans le noir.
Promptement, je me tournais dans sa direction... enfin, ce que je croyais
être la direction de sa provenance. Il n'y avait qu'obscurité chancelante.
Je fouillais les alentours de mon regard d'elfe... rien. Réprimant un
frisson, je continuais mon chemin d'un pas rapide et arrivais près du feu
de camp délaissé dont les flammes étaient toujours aussi formidables. Un
instant, je crus avoir aperçu la silhouette d'un homme, perchée sur la
charrette à l'écart... mais tandis que j’y portais plus ample attention,
il n'y avait personne...
Un coup de tonnerre retentissant claqua dans les cieux. Je sentais
quelques gouttes de pluie me heurter le visage... Un autre rire, derrière
moi, sadique... D'instinct, je portais la main à mon épée. Ebouriffé en
tout sens par les bourrasques qui me cinglaient, j’entendis un autre rire
saccadé, moqueur et vicieux. Je sentais qu'on refermait autour de moi un
cercle plein d'épines...
“Les salauds, pensais-je; ils profitent du fait que je sois à proximité
d'une source de clarté pour m'effrayer... Ils savent trop que mon regard
nocturne d'elfe est diminué par la lumière et me tourmentent sans
raison...”
Je décidais néanmoins de continuer mon chemin, pressant le pas. Je pensais
interpeller ceux que je croyais tout près, à m'embêter, mais me ravisais.
Donc, extrêmement vigilant, je me dirigeais à la lisière de la zone de
clarté, en direction du pont de pierres instable. Un fois enfoui dans la
nuit, on m’assena un violent coup aux jambes. Je tombais à la renverse,
les genoux dans l'herbe. Je n'avais rien vu venir...
On me frappa dans le ventre et je perdais le souffle, me penchant vers
l'avant dans une plainte. On me rossa alors de coups sournois qui me
laissèrent ébranlé, complètement désorienté. Puis, assuré que je n’étais
plus en mesure de réagir efficacement, on me souleva par les aisselles et
on me ramena dans la zone de clarté, tout près du feu. Dans les
étourdissements qui m'engourdirent, je me rendis compte que deux
puissantes silhouettes drapées de toges noires et pourpres me traînèrent
vers une troisième, plus chétive, vêtue de mêmes couleurs, dont le visage
était entièrement voilé sous un masque représentant un être torturé, blême
et grimaçant.

On me désarmait et me jetait par terre sans ménagements.
“Voilà qui est bien”, dit celui qui semblait être le chef.
Je remarquais que sa voix était profonde et solennelle.
“Te voici entre mes mains, misérable suppôt de Galadriel... (Il ricane.)
Savais-tu qu'il est facile, pour des mercenaires comme nous, de s'en
prendre à un elfe chétif qui erre seul à l'extérieur de la ville... à
l'écart de son troupeau? (Il ricana derechef. En apprenant qu'ils sont des
mercenaires, j’écarquillais les yeux d'étonnement.) Eh oui! continua
l'être masqué. Nous avons été engagés pour te ramasser comme on l'a
fait... Ça percute ta petite éthique, hein? (Il ricana.) Mais ce n'est pas
seulement pour ça qu'on s'en prend à toi. On a un message à te livrer...”
Lentement, je repris possession de mes facultés; cependant, je me gardais
bien de le laisser transparaître.
“On travaille à la solde d'un groupe connu et influent au sein d'Acmenia,
si tu veux le savoir, cracha l'homme masqué. Et ce groupe en a assez des
Prêtres de Galadriel... Ils sont partout, dans tout, et ternissent la
cité. (L'un des deux colosses qui m'entouraient me poussa du pied.)
T'entends?! Vous êtes des parasites!... continua la voix profonde de
l'homme masqué. Le groupe que je sers comme mercenaire m'a demandé de te
confier un secret : Les Prêtres et les Paladins de Galadriel vont être
éliminés un par un jusqu'à ce qu'ils aient disparus de la surface de la
planète... Et cette purge commencera par Eorn, votre chef chéri...
Cependant, vois-tu, on nous offrira une prime si nous t'éliminons toi
d'abord... (Il ricana.) Allez! Tuez-le!...”
À ce moment, poussé par un réflexe de guerrier, je bondis sur le colosse à
ma droite, celui qui m'avait désarmé, et lui arrachait des mains l'épée
qu'il m'avait confisquée. Etonné de mes réactions promptes, le colosse
(lui aussi masqué - un masque différent, mais tout autant angoissé que
celui de son chef) tira son sabre et para le coup d'estoc que je lui
portais sauvagement. Je le laissais désorienté et me retournais pour parer
à mon tour l'assaut de l'autre colosse. Le sabre de ce dernier me frôla
l'épaule, y laissant une estafilade, mais je parvins à le repousser d'un
adroit coup de pied. Alors, provenant de partout et de nulle part à la
fois, j’entendis un cri rageur de fauve... Je vis une petite silhouette
noire et ensanglantée sauter à la gorge de l'un de mes ennemis...
Mû par un regain de courage, j’attaquais le colosse qui tentait de
m'éventrer sans succès. Un duel s’engagea.
“Fuyons!” cria le chef ennemi et en se retournant il s’écria :
“ Fait attention, car nous pourrions nous en prendre à Landra
prochainement! Et pourquoi pas pendant votre mariage..... héhéhéhéhé ”.
Déterminé à faire payer les coups qu'ils m’avaient donné, je m’efforçais
de maintenir dans le combat le colosse qui parait avec de plus en plus de
difficulté mes assauts effrénés. Je me sentais emporté par les rafales de
vent féroces, comme si j’étais l'extension incarnée de la colère des
éléments... Mon épée tourbillonnait, fendait l'air, cherchait à fracasser
la lame adverse... Du coin de l'œil, j’aperçut les deux autres fuir dans
les ténèbres, talonnés de près par le petit être difforme et tout en
serres... Puis, inspiré par un combat que je menais selon mes désirs,
je portais une botte à la figure de mon adversaire...
Le coup ébrécha le masque grimaçant, l'envoya valser dans l'herbe longue,
et alla balafrer mon ennemi. Je n'arrivais cependant pas à voir son visage
et, sans pouvoir l'empêcher, il me fuit des mains... et disparut à son
tour dans la nuit. J’étais maintenant seul. Je me penchais et ramassais
le masque fendu, enduit du sang que j’avais arraché au mercenaire...
Complètement épuisé et couvert d'ecchymoses, je me dis alors qu'il était grand
temps de revenir en ville... J’essuyais un peu du sang qui me parsemait
le menton et constatais que mes vêtements étaient en piètre état. En
effet, la nuit avait été agitée. Mon retour à Acmenia se fit sous la
pluie...