La naissance de S'Guöl
C'était il y a bien longtemps, bien avant la création de ce monde. Il y avait Thor, c'était un dieu mineur
presque sans importance et sans pouvoirs, enfin c'est ce qu'il croyait. Il arriva un jour qu'il croisa le
chemin de Inaria, une déesse dont la beauté éclipsait même le plus beau des ciels étoilés. Elle jouait, de
sa harpe céleste, une musique d'une tristesse si profonde qu'elle n'en était que plus envoûtante. Thor, le
jeune dieu fût aussitôt subjugué et ne quitta pas du regard la belle durant les deux cents années que
durèrent la chanson. Il ne pouvait plus bouger, de peur d'interrompre la musicienne, et de mettre ainsi fin
à la plus belle des mélodies que l'univers eut l'occasion d'entendre. Quand elle eut fini Inaria leva le
visage de son instrument magique et fixa le visage ébahi de Thor puis lui dit : "Je savais que tu viendrais,
j'espère que cela t'as plut." Ensuite elle se leva, s'approcha de lui puis déposa sur sa joue le plus doux
des baisers qu'il ne connut jamais, mais il ne savait pas encore que ce serait le dernier. La belle ne lui
laissa pas le temps de répondre et s'enfuit à travers les étoiles. Le jeune dieu ne songea même pas à la
suivre pensant, à tort, qu'il la reverrait sous peu.
Ce peu dura 300 ans durant lesquels il ne cessa de rêver de la belle musicienne, quand un jour le rêve
fut plus réel que d'habitude. Il vit sa bien aimée criant son nom en lui demandant de venir la secourir.
Thor ne prit même pas le temps de réfléchir et partit immédiatement à la recherche d'Inaria. Il n'eut aucun
mal à trouver où elle était, pensait-il, emprisonnée. C'était un château immense, bâti au milieu d'une zone
d'ombre nichée au creux des étoiles, il en emmenait un sentiment de tristesse et de solitude qui rappela à
l'amoureux le chant de sa déesse. Il n'hésita donc pas à franchir les immenses portes en fer, pour pénétrer
un lieu de profonde obscurité, mais il n'avait pas de problème pour se guider car il entendait sa voix.
Après une errance de quelques heures dans les immenses couloirs de la forteresse, il déboucha dans une
salle qui était éclairée par quelques torches éparses. Au fond de la pièce se dressait un immense trône
sur lequel une femme était assise. Il s'approcha, sûr de l'avoir reconnu, oui c'était elle, enfin, il se mit à
courir.
"Stop, ne t'approches pas plus loin" dit elle.
"Pourquoi..?"
"Tais-toi, cria-t-elle, écoutes-moi; je savais que tu viendrais... C'était écrit... Mais tu risques d'être déçu,
il faut que tu saches, je suis ici de mon plein gré, je n'ai jamais été en danger."
"Comment ? Je ne comprends pas..." parvint-il à articuler.
"Si je t'ai attiré, c'est pour te présenter un ami. S'Guöl, vous pouvez entrer."
Une ombre géante surgit de derrière le trône, c'était réellement une ombre car la silhouette était
entourée d'une sorte de flou obscur qui masquait totalement l'être. Une voix grave monta dans l'air
humide de la pièce: "Enfin tu es venu, j'attends depuis si longtemps. Saches que si tu es là aujourd'hui
c'est pour connaître la souffrance et la haine. Ta douleur sera éternelle, ah!, ah!, ah!..."
Le rire guttural s'estompa lentement tendit que le géant levait son bras vers Thor. Ce dernier ne pouvait
plus bouger, il était paralysé. Il voyait s'ouvrir devant lui un trou qui aspirait tout même la lumière, il
savait qu'il ne tiendrait pas longtemps avant de suivre celle-ci. Alors il réussit à dire: "Alors tout ceci
était faux, tu m'as trahi, pourquoi, dis-moi pourquoi ? Cette chanson ne signifiait donc rien pour
toooiiiiiiii ?"
Il n'entendit jamais la réponse. Quand le trou fut refermé, Inaria s'écroula en larmes sur son siège
d'ébène: "Etait-ce obligé?"
La réponse ne se fit pas attendre : "Tu le sais aussi bien que moi."
L'emprisonnement dura des siècles et des siècles, au début il comptait mais quand la douleur fut trop
forte il perdit le fil. Il mit longtemps à la haïr, pour quelles raisons il ne savait pas ou alors il ne le savait
que trop bien, sa douleur n'en était que plus forte. Mais la haine est un sentiment puissant qui finit par
triompher, il oublia l'amour et la joie pour ne plus que suivre l'instinct de sa haine. Ce fut l'arme de sa
liberté, son désir de vengeance était devenu si fort qu'il réussit à briser les chaînes qui le retenaient
prisonnier et à tuer les geôliers qui le torturaient depuis si longtemps. Il finit par retrouver l'air libre,
mais au lieu d'en profiter, il voulut se venger et sa haine se transforma en rage. Il devait verser le sang de
celle qui l'avait trahi pour ce S'Guöl. Il mit peu de temps à la retrouver, elle était avec cet être de
noirceur, assise sur une étoile. Thor se rua sur elle et la frappa au visage de toutes ses forces. Elle fut
projetée à terre, le visage ensanglanté, S'Guöl ne réagit pas. Alors Thor brandit une épée pour l'achever,
elle qui était curieusement silencieuse ou est-ce sa haine qui le rendait sourd ? Peu importe, il hésita, la
douce mélodie de leur rencontre lui remplit la tête, il n'abaissa pas le bras armé. Ce ne fut pas le cas de
S'Guöl qui plongea une épée d'ombre dans le corps de la déesse allongée. Thor fut ébahi mais pas assez
pour ne pas, cette fois-ci, baisser le bras et trancher la tête du dieu sombre.
Il était seul, mais il comprenait alors le but des années de torture. Maintenant il était fort, bien plus fort
que tous les autres dieux ce qui, pourtant, ne l'empêchait pas d'avoir mal. Elle s'était sacrifiée pour qu'il
devienne cette force, il ne lui restait plus qu'une seule solution, devenir comme lui, un être sombre
refusant la lumière qu'on lui offre, il serait le nouveau S'Guöl le Sombre, puissant parmi les puissants
mais ayant toujours ses fautes à expier. Mais une question restait : Pourquoi ? Pourquoi ont-ils fait de lui
ce dieu de puissance drapé de ténèbres ? La réponse se perd dans les millénaires qui nous sépare de
l'époque de cette histoire. La légende dit que maintenant, après avoir chercher de multiples façons de se
faire pardonner, il est sorti de l'ombre pour quelques habitants de notre monde trouvant peut-être ici le
repos qu'il n'a pas eu ailleurs. Mais gare à celui qui provoque sa colère car sa puissance n'a pas de
limite.
Voilà une des rares légendes qui est parvenu jusqu'à nous sur la genèse de S'Guöl. J'ai essayé de
retranscrire une histoire homogène par rapport aux différents morceaux que j'ai rassemblé grâce à
différents ouvrages. Mes recherches se poursuivent, car il y a de nombreuses autres légendes où la
puissance de S'Guöl le Redoutable s'exprime.